La cellera de Pollestres

La cellera de Pollestres

Localisation

Place de l'Eglise - Avenue de l'Hôtel de Ville - "L"empavat" entrée de la cellera - Voir plan

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Au coeur de Pollestres : la Cellera, témoignage de la naissance du village

  • Pollestres avant Pollestres

Le lieu de Pollestres, le territoire de la commune actuelle, a été occupé depuis le paléolithique : dans les vignes qui entourent le village actuel, sur ce que les géographes appellent les « terrasses du Roussillon », les archéologues ont ramassé des outils de pierre taillée, témoignages de l'activité des hommes de la Préhistoire. Pour l'âge des métaux, plus près de nous, mais il y a tout de même plus de 2500 ans, des lingots de bronze et des traces d'activité métallurgique ont été découverts aux Teixons. De l'occupation romaine, on trouve des vestiges répartis en plusieurs points du territoire communal. Nul doute donc que le lieu de Pollestres ait été habité de longue date, et que, même, on puisse en retrouver des traces archéologiques dans le sous-sol du village ou de ses alentours immédiats. Mais ceci représente la « pré-histoire » du village, avant son apparition dans les textes écrits et surtout avant sa fixation définitive sous la forme que nous lui connaissons aujourd'hui.

Dans les premiers textes du Moyen Âge pour le Roussillon, apparaît d'abord une villa Rasti, en 832, un hameau depuis disparu, mais très proche de Pollestres, puisque la villa Rasti sert de limite ouest au territoire de Vilanova, Villeneuve-de-la-Raho. Le nom de "Polestros" apparaît en 878, et son église Saint-Martin en 904, comme dépendance de Sant-Pere-de- Rodes.

 

  • La naissance du village sous sa forme actuelle, le rôle déterminant de la cellera
L'occupation ancienne du lieu et ses premières mentions écrites ne signifient pas que le village avait l'emplacement ou la forme qu'on lui connaît aujourd'hui. Le vieux village est l'héritier d'une histoire millénaire qui a débuté autour de l'église, où se trouvait le cimetière. Au début du XIe siècle, un peu après l'an mil, face aux violences qui accompagnent le processus de féodalisation de la société, les paysans et l'Église, premières victimes des rapines des seigneurs, cherchent une protection. C'est sur le cimetière protégé, comme lieu consacré, puis par les décrets des assemblées de Paix et Trêve de Dieu tenues à Toulouges en 1027 et en 1064, que les paysans vont construire des celliers, modestes constructions dans lesquelles ils mettent à l'abri leurs récoltes. Ces celliers forment tous ensemble, autour de l'église, un petit quartier spécifique, auquel les gens de l'époque donnent le nom de sagrera ("lieu sacré") ou cellera ("ensemble des celliers").
C'est autour de ce noyau, devenu pôle d'agrégat, que les barris, les quartiers périphériques, les «faubourgs», se sont créés sur les chemins d'accès, vers l'est et l'ouest principalement.
Au Moyen Âge, et sans doute encore aux siècles suivants, on ne vivait pas dans la cellera ; on habitait aux environs immédiats, ou dans quelques mas plus éloignés, mais on continuait à venir déposer les récoltes, et particulièrement la vendange, mais pas seulement, dans le cellier que chacun possédait, autour de l'église. C'est ce regroupement que l'on devine encore dans la disposition des maisons entourant l'église de Pollestres. Les celliers ont disparu, progressivement remplacés par des maisons d'habitation (mais quelques caves privées s'y sont maintenues) et surtout, au cours du Moyen Âge, le besoin de défense, que la protection sacrée du lieu ne suffisait pas à assurer, s'est traduite par la construction d'une enceinte fortifiée, dont la forme rectangulaire est encore parfaitement visible sur les plans et dont une partie considérable de la muraille est bien conservée à l'ouest, et très visible au nord. De cette fortification, remaniée, transformée au cours des siècles date aussi la très belle porte fortifiée du sud.

 

  • Quelques jalons de l'histoire de la cellera de Pollestres
La première mention de la cellera de Pollestres est contenue dans les rancures de Pons, comte d'Ampurias, v. 1040-1070. C'est une des premières celleres citées pour le Roussillon.
Pons accuse Arnal Tallant et des hommes de Perpignan, qui ont fait effraction dans l'église de Pollestres et dans la cellera. Cette cellera est possédée par l'abbaye de Sant-Pere-de-Rodes ; les coupables y ont dérobé les biens du monastère et ceux de ses hommes. Les moines de Rodes, établis dans le comté d'Ampurias, sont protégés par leur comte contre les exactions et les rapines occasionnées par les hommes du comte de Roussillon.
Un document des années 1280-1290 mentionne un cellier appartenant à un mas et situé dans la cellera. Un habitant de Pollestres, homme du Temple, c'est-à-dire dépendant de la Commanderie templière du Mas Deu, possède pour les Templiers une exploitation agricole composée de terres, d'une maison, d'une aire de battage du blé (la rue des ères existe toujours, au nord-est de l'église), et un cellier dans la cellera, cellier qui touche au rempart.
Au XIIIe siècle, le prévôt de Pollestres pour Sant-Pere-de-Rodes, responsable de la gestion du domaine de l'abbaye dans le village, percevait les redevances en nature liées aux exploitations, en particulier aux vignes, dans sa cuve (sa tina), qui se trouvait dans la cellera. Celle-ci est encore citée sous ce nom au XIVe siècle, bien que de plus en plus on lui préfère le terme de "fort" ou "forcia", "forsa", où l'aspect fortifié supplante celui de dépôt des récoltes.
 
 
  • Un patrimoine à préserver, à mettre en valeur

Cet ensemble mérite d'être conservé, non seulement les remparts subsistants et la porte, mais aussi les maisons qui entourent l'église, comme témoignage vivant de ce noyau originel du village. "Témoignage vivant" - c'est-à-dire ayant continué à être occupé jusqu'à nos jours, avec les transformations, plus ou moins heureuses, dont ces maisons furent l'objet au cours des siècles passés. Ce noyau originel doit être préservé et mis en valeur ; il est un exemple très précieux de l'histoire et de la formation de la communauté villageoise solidaire, aux temps médiévaux ; il est une des richesses du Pollestres actuel et, à ce titre, mérite respect, entretien et mise en valeur. On peut souhaiter que les initiatives actuelles de la municipalité aillent dans ce sens, la préservation de l'héritage patrimonial ne devant pas être ressentie seulement comme une contrainte - ce qu'elle est aussi - mais surtout comme une invitation à apprécier et à faire apprécier, aux habitants de Pollestres, mais aussi aux visiteurs occasionnels, un ensemble architectural qui témoigne des débuts, modestes mais décisifs, du village de Pollestres.

 

Aymat Catafau - CRHISM - Département d'Histoire à l’Université de Perpignan